Vous avez sûrement déjà entendu parler du musée EPFL Pavilions, hébergé dans les deux bâtiments tout en longueur reliant l’Agora à l’Esplanade éponymes et animés par des installations intrigantes et des expositions mêlant technologie et création. Mais avez-vous entendu parler de sa fermeture? Fin juin, le rideau a été baissé sur le musée. L’ancienne direction de l’EPFL, sous la présidence de Martin Vetterli, a décidé de fermer ce lieu en raison du démarrage du gigantesque chantier Double Deck, qui redessinera le cœur du campus. Une décision qui ne fait pas l’unanimité.
« C’est vraiment dommage que le musée ferme, les expositions étaient toujours très intéressantes »
confie Johanna, étudiante et habituée des lieux.
Circadian Dreams, Helga Schmid, 2022
Photo: Julien Gremaud
Inauguré en 2016 sous le nom ArtLab, ce bâtiment a été le premier de l’EPFL conçu pour accueillir un programme culturel ouvert au public. Le musée, rebaptisé EPFL Pavilions, avait pour ambition de créer un dialogue entre la culture et la science. Il a accueilli plus de 15 000 visiteurs l’année passée, et a présenté une quarantaine d’expositions depuis son ouverture.
« L’aventure Pavilions s’arrête ici »
résume Loïc Sutter, ancien responsable communication du lieu. Aucune relocalisation temporaire du musée n’a été décidée, ni même une réouverture planifiée après les travaux. Quant aux membres de l’équipe, surpris et déçus par cette décision, ils doivent désormais se tourner vers d’autres horizons professionnels.
Des raisons logistiques
Qu’est-ce qui a dicté cette fermeture?
« Les raisons sont avant tout logistiques »
explique Laurène Donati, responsable de la stratégie impact à la Vice-Présidence pour l’innovation et l’impact (VPI). Le chantier Double Deck, qui s’annonce massif, va générer bruit, vibrations et accès limités pendant les 4 prochaines années. Le musée se trouvant à quelques mètres du futur bâtiment, ses conditions d’accueil seraient devenues inadaptées.
Visualisation architecturale du Double Deck: vue depuis la place Cosandey. © Atchain / Dominique Perrault Architecte, ADAGP, 2023
La Direction insiste: il ne s’agit pas d’une attaque à la culture, mais une décision logistique. En parallèle, des réflexions ont été lancées pour repenser et renforcer la manière d’intégrer l’art sur le campus, qui va au delà de l’offre d’EPFL Pavilions. Laurène Donati mentionne par ailleurs d’autres initiatives culturelles existantes depuis longtemps, comme le musée Archizoom ou les billets culturels proposés par le CDH-Culture.
Mais quelle est la place de l’art sur un campus d’ingénierie?
Laurène Donati rappelle que l’art a aussi une valeur pédagogique et sociétale. Il permet aux scientifiques de prendre du recul critique sur leur travail et de le rendre accessible au grand public.
Du côté institutionnel, la VPI affirme vouloir renforcer l’offre culturelle pour toucher un public plus large et créer des ponts entre les disciplines. Des partenariats avec des institutions culturelles suisses sont en discussion.
« On n’est pas là que pour les TP et les examens »
rappelle Andreas Osterwalder, délégué du Provost aux relations estudiantines. Une phrase qui résume bien le consensus autour de l’importance d’un dialogue entre art et science. Ces deux disciplines, historiquement liées, se nourrissent mutuellement. Andreas Osterwalder nous explique aussi que la Direction souhaite maintenir ce dialogue et même le renforcer, en incluant la communauté étudiante dans le processus de réflexion.
Cosmic Collisions, 2022, eM+.
Photo: Julien Gremaud.
Mobilisation pour donner plus de poids à la culture
Face à la décision de fermeture d’EPFL Pavilions, quelques étudiantes et étudiants ont d’ailleurs créé le Pôle Culturel Étudiant, un nouveau regroupement d’associations culturelles étudiantes. On y retrouve notamment ArtePoly, Musical, Plume, le Club Photo et le Pôle d’expression théâtrale.
« Le but est de faire front commun pour donner plus de poids à la voix culturelle étudiante dans les discussions avec la direction »
explique Adrien Maitrot, étudiant et co-organisateur du pôle, à la RTS dans CQFD (LʹEPFL accueille la conférence Arts + Sciences – rts.ch – Portail Audio).
Ce collectif, bientôt renommé l’Archipel, a organisé en avril la conférence Arts + Sciences, pour alerter sur le recul de la culture sur le campus (fermeture des Pavilions, restructuration du Collège des Humanités (CDH) annoncé dans l’Open Campus #49). Malheureusement, aucun représentant de la direction n’a pu assister à cette conférence à cause d’un conflit de calendrier avec la réunion semestrielle des délégué·e·s étudiantes et étudiants.
Quant à la culture étudiante, elle ne faiblit pas : concerts, théâtre, live painting, ateliers créatifs, développement photo… Les initiatives fleurissent. Comme quoi, les futurs ingénieurs et ingénieures n’ont pas toujours la tête dans leurs séries.
« Nous sommes tristes que notre apport se termine mais nous sommes très contents de la dynamique qui émerge avec l’Archipel »
cite Loïc Sutter, impressionné par la conférence.
Comme l’a expliqué Adrien à la RTS,
« un ingénieur a tout à gagner à développer des compétences proches de celles d’un artiste : observation, imagination et persévérance. »
Quel avenir pour les Pavilions?
L’accessibilité à ces bâtiments proches du chantier Double Deck demeure incertaine. Plusieurs pistes sont néanmoins envisagées, parmi lesquelles un centre de visite présentant des prototypes des projets MAKE. L’AGEPoly (Association Générale des Étudiant·es de l’EPFL) milite, elle, pour la création d’espaces de travail étudiants.
À l’issue des travaux, la Direction devra encore trancher sur son affectation.
« Mais des pistes solides existent déjà, dont certaines avec des portes ouvertes sur le public »
souligne Laurène Donati. Un comité de pilotage est à l’étude du côté de la VPI, avec l’ambition de repenser l’offre culturelle dès que les conditions le permettront. L’Archipel, de son côté, plaide pour un espace dédié à l’expression artistique.
La fermeture du musée EPFL Pavilions invite à repenser le dialogue entre les arts, la science et la société. Elle soulève des questions fondamentales sur la place accordée à la culture dans un environnement scientifique de haut niveau. Mais elle révèle aussi l’engagement d’une communauté, prête à défendre la richesse du dialogue entre ces disciplines.