Retour sur le triplement de la taxe d’étude

28 mai 2025
Jeanne
On en a tous et toutes déjà récemment entendu parler, elle a soulevé des discussions parfois houleuses, des débats, des questionnements, des projections et pas mal de craintes… L’augmentation de la taxe d’étude des EPF a mis un véritable coup de pied dans la fourmilière étudiante de l’EPFL. Retour sur cette récente décision et enquête sur ses prochaines répercussions.

Introduction

Quand il s’agit de choisir son université, son école, en post maturité, post bac ou tout autre diplôme clôturant l’enseignement secondaire, on veut le meilleur. La meilleure uni, la meilleure classe préparatoire, la meilleure école

L’EPFL, à la renommée mondiale, figurant dans le top 10 des meilleures écoles d’ingénieurs [QS 2025], s’avère donc être un choix de prédilection pour les amoureux et amoureuses des sciences et technologie en soif de savoir. En plus d’être très bien classée par rapport aux autres écoles européennes (cinquième derrière Oxford, Cambridge, ETH et Imperial), l’EPFL possédait un principe de recrutement hyper attractif : « obtient 80% de la note maximale à ton examen de fin d’études et tu seras accepté » – aujourd’hui devenu « obtient 80% de la note maximale en maths et en physique et tu seras accepté »… Autant dire que, pour un Français, ou toute autre nationalité, ça laisse sans voix. Bien loin des concours d’entrée et des systèmes de candidature sur dossier… Et cerise sur le gâteau, pour contredire les discours des sceptiques râlant une Suisse trop chère, la taxe d’étude est basse, bien moins chère que beaucoup d’autres uni : 45000 ou 10000 euro par an à Oxford pour un étudiant étranger ou européen. Même chose pour les écoles d’ingénieur privées dont les coûts s’élèvent souvent à 10000 euro par an. Avec une facture annuelle de 1560 CHF par an pour l’EPFL, le choix est vite fait.

Pour une étudiante talentueuse ou un étudiant talentueux, dont les parents sont prêts à affronter le coût de la vie suisse, et ce pour 6 bonnes années, pas de doute, l’EPFL se présente sur un tapis rouge, un rêve à réaliser, un campus universitaire à l’américaine à aller défricher, une aventure à absolument vivre, coûte que coûte que coûte.
Jusqu’à ce que ça coûte… un peu trop.

Augmentation de la taxe d’étude, le pourquoi du comment.

Après un refus en mars 2024, le conseil des EPF a finalement choisi le 11 juillet dernier de tripler la taxe d’étude des étudiantes et étudiants étrangers.
Le motif principal de cette décision : une réduction de 100 millions de francs par an à partir de 2025 dans les contributions de la Confédération aux budgets des EPF. Une décision donc ayant pour but d’accroître les recettes des EPF, dont le budget va baisser, et qui ne bénéficient pas de financements cantonaux additionnels contrairement aux universités et hautes écoles. L’augmentation est principalement ciblée sur les étudiants étrangers, qui sont considérés comme ayant un impact financier moindre sur le budget de la Confédération que les étudiants suisses.

Contexte – extrait des communiqués de presse

Pour mettre un peu de contexte, le Conseil fédéral, dans le cadre du FRI – le fond pour la recherche et l’innovation – à prévu d’allouer, pour les quatre prochaines années, 29,2 milliards de francs aux domaines des EPF. Pour se donner une idée, L’EPFL a un budget annuel de 1,15 milliards de francs financé à 66% par la confédération et à 33% par des sponsors privés.

Dans la dépêche de L’assemblée fédérale du 12 septembre dernier on peut lire :

Il faut maintenir la Suisse à la pointe. Mais en raison de la situation financière tendue de la Confédération, le Conseil fédéral a dû prendre des décisions difficiles, comme une coupe transversale de 1,4% sur les dépenses faiblement liées. – Guy Parmelin, ministre de la formation et de la recherche

Cette coupe de 1,4% représente 100 millions de francs en moins par an dans l’enveloppe budgétaire des institutions du Domaine des EPF, qui verront donc une baisse notable dès 2025. On peut lire dans un communiqué du conseil des EPF que :

Les années à partir de 2026 sont soumises à de grandes incertitudes en raison de la situation financière tendue de la Confédération.

On retiendra que la Confédération est tendue.

Voté à 32 voix contre 13 par le Conseil des Etats, le point sensible, car vivement critiqué, de l’augmentation de la taxe d’étude, est perçu comme une façon de remonter le budget.

Encore trop basses en comparaison internationale, ces taxes sont, en des temps financiers difficiles, une option et une manière simple d’agir sur les recettes –  selon Andrea Gmür-Schönenberger (Centre/LU).

On comprend donc cette augmentation comme une réponse pour atténuer la baisse de budget.

De 1560 francs à 4680 pour une année à l’EPFL, pour un étudiant ou étudiante non Suisse*, en vigueur dès le semestre d’automne 2025, ne s’appliquant pas si un cursus, Bachelor ou Master, est en cours.

Après un rapide calcul, et en prenant en compte le fait que 60% de la communauté étudiante de l’EPFL n’est pas de nationalité suisse, les EPF espèrent augmenter leurs revenus de 29 millions de francs supplémentaire par an. Un total qui laisse un goût assez amère chez les étudiantes et étudiants étrangers, qui paieront – pour certain de leur poche – le prix de cette coupe budgétaire.

Outre le triplement des taxes d’études pour les étudiantes et étudiants étrangers, le CEPF a aussi décidé d’indexer les taxes d’études (de tout le monde) à l’indice suisse des prix à la consommation, les réévaluant tous les quatre ans.

Prise de position étudiante

L’AGEPoly et son équivalent zurichois,le VSETH (association générale des étudiant·e·s de l’ETHZ) se sont, tout au long des discussions et des prises de décisions, positionnés fermement en opposition au projet de triplement des taxes.
Communiqués de presse, discussions avec la direction de l’école, lettre au Conseil des EPF…

L’AGEPoly déplore la déconnexion totale du CEPF avec les 2 EPF. Il va sans dire que l’AGEPoly maintient une position ferme contre ce triplement décidé unilatéralement par le CEPF. Cette décision est basée sur des raisons purement politiques, le CEPF pariant sur nos taxes d’études pour garder son autonomie et éviter de se faire forcer la main par le Parlement. Or, nous, les étudiant·e·s, ne sommes pas les pions de la politique.

Alexia Giroud Nyer, coprésidente de l’AGEPoly nous explique:

Le CEPF tient profondément à son autonomie, un principe fondamental du système politique suisse, à l’image de celle des cantons. Il refusait toute ingérence politique dans ses affaires. Pour affirmer cette indépendance, le président a proposé un vote sur l’augmentation des taxes d’études : en mars, le CEPF s’y est opposé, une victoire majeure pour les étudiantes et étudiants des EPF. Mais ensuite, l’été dernier, le Conseil national a approuvé le triplement des taxes pour les étudiantes et étudiants internationaux. Pris de court, le CEPF a organisé un second vote, cette fois en faveur de l’augmentation, espérant ainsi reprendre la main et montrer sa capacité à décider par lui-même. Une tentative vaine : à l’automne, le Conseil des États a validé l’augmentation, mettant un point final à cette série de rebondissements.

À travers les témoignages on comprend donc que les décisions ne sont pas du ressort de la direction de l’école mais d’instances plus haut placées et plus difficilement atteignables.

Cette demande n’émanait pas de la direction de l’EPFL ni de celle de l’ETHZ, les deux s’y opposaient fortement. Effectivement, ceci allait en contradiction avec les valeurs d’égalité de traitement et de diversité de notre école. Cette mesure ne contribuant pas à résoudre les problèmes budgétaires et logistiques que nous rencontrons actuellement à l’EPFL et ne servant qu’à appliquer un filtre social sur les admissions à l’école, motivé par des raisons principalement politiques.

Impacts sur les étudiantes et étudiants

Bon, on ne va pas vous faire un tableau, tripler les taxes d’une école située dans un endroit où la vie est déjà extrêmement chère, ça ne fait plaisir à personne.
Et en plus cela ferme les portes d’une éducation de qualité à la classe moyenne, souffrant déjà de grandes difficultés de moyens et d’accès aux grandes écoles. Cette mesure crée une situation de guet-apens, où les étudiantes et étudiants déjà inscrits en Bachelor entreront dans une école trois fois plus chère en Master. L’EPFL promet actuellement des allocations pour les étudiantes et étudiants en situation difficile… on attend de voir. https://www.epfl.ch/education/studies/allocation-transitoire/

Alors même que la France est un des pays d’Europe avec le plus grand taux de reconduction d’inégalité sociale, raison pour laquelle on cherche à s’élever ailleurs, la Suisse est en phase de clore son eldorado de l’ascension sociale, limitant son éducation aux plus aisés, qui, il semblerait, sont plus propices de ne pas rester en Suisse après leur formation.

Nous anticipons donc un loupé pour la Suisse, qui paiera la facture de la formation d’étudiantes et étudiants risquant de ne pas participer à l’économie du pays plus tard… mais pour en être certains, nous attendons une enquête socio-économique afin de mettre des chiffres exacts sur ces hypothèses…

Dans l’intervalle, on paiera le triple au semestre prochain.