Présentation
Alexia, étudiante en troisième année de Bachelor en ingénierie des sciences du vivant, est membre du comité de direction de l’AGEPoly depuis deux ans. D’abord responsable représentation, elle a ensuite été élue, puis tout récemment réélue coprésidente. Elle nous partage son expérience au sein de l’association.
« J’ai toujours aimé représenter les étudiants. J’aimerais continuer dans cette voie plus tard, en m’engageant dans la représentation ou le lobbying pour un meilleur accès à la santé, notamment pour les plus précaires, ou pour les droits en santé des femmes… Ce sont des combats qui me tiennent à cœur. J’aime porter la voix de ceux que je représente. »
-Jeanne (J): L’AGEPoly représente les étudiantes et étudiants : comment, pourquoi, jusqu’où ?
-Alexia (A): Statutairement, l’AGEPoly a quatre missions : représenter les étudiantes et étudiants, leur rendre service, animer la vie sur le campus et les informer des décisions prises à l’EPFL. La représentation est donc un pilier central de son action. La loi de l’EPFL prévoit qu’une association représentative incarne l’ensemble de la population étudiante : cette responsabilité revient à l’AGEPoly, et elle est cruciale pour le bon fonctionnement du campus.
Concrètement, cela passe par la coordination des délégués et déléguées de classe. Des réunions régulières sont organisées avec les délégués et déléguées de section pour avoir une vision d’ensemble de ce qui se passe dans chaque filière. Ces derniers traitent les questions liées aux cours, jouent un rôle de médiation en classe. Mais dès que les problématiques dépassent le cadre d’une section — par exemple les espaces de travail ou les prix à la cafétéria —, c’est l’AGEPoly qui prend le relais et porte ces dossiers auprès de la direction.
Pour mener à bien cette mission, l’AGEPoly s’appuie sur ses propres méthodes : enquêtes ciblées, canaux de communication directs. Pour éviter de sursolliciter les étudiants, elle utilise ses plateformes — notamment Telegram — où tout le monde peut suivre ses projets en cours et s’informer.
Un projet phare : les examens différés
-A: Parmi les projets récents, celui des examens différés a occupé une place importante.
Actuellement, une étudiante ou un étudiant malade le jour d’un examen doit attendre un an pour le repasser. C’est une situation particulièrement problématique, car les échéances sont nombreuses et variées au fil du cursus. En première année, cela peut compromettre le passage en année supérieure ou entraîner un échec définitif. En deuxième année, cela peut empêcher de partir en échange. En troisième, cela peut bloquer un changement de master, et en master, l’entrée en PDM peut être compromise.
C’est donc un projet de fond, qui vise à débloquer ce genre de situations et à apporter plus de flexibilité. Cette année, un projet pilote est lancé pour les examens de la MAN (mise à niveau). Désormais, si un étudiant ou une étudiante est malade lors de ces examens et peut présenter un justificatif valable, il ou elle pourra les repasser en juillet.
– J: C’est donc un projet récent ?
-A: Oui, le projet des examens différés a été lancé au printemps 2023. Cela fait donc bientôt deux ans qu’un groupe de travail réunit l’AGEPoly et l’école pour construire ce dispositif. Il a finalement été validé en décembre 2024, lors d’un vote en Conférence des directions de section.
-J: Comment naissent les idées de projets et comment sont-elles discutées ?
-A: C’est une très bonne question. La communication autour de ces réunions est un vrai défi pour nous. Aujourd’hui, on essaie de publier nos ordres du jour et les comptes rendus des échanges avec la direction, pour plus de transparence.
On rencontre la direction une fois par mois. On discute avec Nicolas Grandjean, Vice-président associé pour l’éducation, et Andreas Osterwalder, délégué du Provost aux relations estudiantines. Ces échanges nous permettent de faire avancer les projets, d’en proposer de nouveaux, mais aussi de bénéficier de leur regard critique sur nos idées. L’objectif est de travailler ensemble, de manière constructive, sur des sujets communs : le mentorat, la charge de travail en première année, les échecs définitifs. Le projet des examens différés est d’ailleurs né de ces discussions. Il a fallu beaucoup de temps et de dialogue pour qu’il voie le jour.
Quand la direction est convaincue, elle transmet nos propositions aux services concernés : parfois au Centre d’appui à l’enseignement (CAPE) pour la pédagogie, parfois au Centre propédeutique (CePro) pour la première année. Certaines idées sont aussi discutées en Conférence des sections, où chaque directeur, directrice peut débattre du projet. Parfois, des groupes de travail sont mis en place, avec des représentantes et représentants de l’AGEPoly.
-J: Comment recueillez-vous les données pour représenter justement les 10 000 étudiantes et étudiants du campus ?
-A: Ce n’est pas évident. On s’appuie principalement sur des sondages, qui nous donnent une vision globale. On a aussi les retours des 180 délégués et déléguées, ce qui représente déjà une base solide. On essaie de faire remonter les avis majoritaires, bien sûr, mais aussi ceux des minorités, qui méritent tout autant d’être entendus.
-J: Concernant le projet de triplement des taxes : travaillez-vous avec des acteurs externes à l’EPFL ?
-A: Oui, c’est un sujet énorme, un des plus gros qu’on ait eu à traiter. On a dû aller chercher des interlocuteurs externes. Par exemple, au Conseil des EPF, on a la chance d’avoir un président, Michael Hengartner, qui est ouvert à la discussion avec nous. On n’est pas toujours d’accord, mais au moins, le dialogue est possible — idem pour la Vice-présidence du Conseil. Ce sont des gens très sollicités, donc il faut anticiper pour obtenir des rendez-vous.
On a aussi pu nous rendre au Parlement. Grâce à un contact personnel engagé comme assistant parlementaire, on a obtenu l’accès. L’EPFL autorise deux entrées : une pour le ou la coprésidente, et une pour le·la responsable représentation. On était accompagné d’un élu de l’AGePoly chargé de la politique externe, spécialisé dans la politique suisse, ce qui était essentiel sur un dossier aussi complexe.
-J: Vos plus grandes fiertés ?
-A: Les examens différés, clairement. C’est une immense réussite.
À côté, on a aussi fait avancer d’autres projets, comme l’introduction des cours de durabilité en première année. C’était important pour nous, et aussi porté par des associations de la convergence. C’est la première année que ce cours a été suivi par 1500 à 1600 étudiantes et étudiants. Il est encore perfectible — actuellement en format vidéo — mais c’est un pas dans la bonne direction.
Concernant les taxes d’études, on sait qu’on ne les empêchera pas complètement. Mais on avait réussi, lors d’une première tentative, à faire changer l’avis du Conseil des EPF. La coprésidence de l’époque a mené un travail de lobbying remarquable. Il y a cinq membres externes au Conseil, dont le vote est décisif. On les a rencontrés un à un, et on pense en avoir convaincu au moins un !
-J: Tu te souviens de la MAN, pendant le COVID ?
-A: Oui, à cette époque, une Task force avait été créée. Les présidents de l’Agepoly participaient à des réunions hebdomadaires. C’était un travail énorme. On a dû se battre avec l’école sur plusieurs fronts. C’était le début du second mandat de Martin Vetterli, avec une nouvelle équipe de vice-présidents. Il a fallu établir de nouvelles relations, en pleine période de crise…
L’école ne communiquait pas toujours avec nous en premier. Les étudiantes et étudiants ont parfois appris dans la presse que leurs examens étaient repoussés à août !
-J: Quels sont les projets à venir ?
-A: On travaille actuellement sur l’anonymisation des copies d’examens. J’ai passé le bac en France, où les copies sont anonymes, donc ça m’a choqué de voir qu’ici, elles ne le sont pas. Il y a eu en 2021–2022 le mouvement Paye ton EPFL, qui a révélé que certains assistants et assistantes ou enseignants et enseignantes utilisaient les noms sur les copies pour faire pression. En plus, c’est prouvé scientifiquement : les noms peuvent biaiser la correction.
Malgré de fortes réticences du corps enseignant, on a lancé le projet. On a de bons arguments : certains examens, comme l’analyse ou l’algèbre, sont déjà anonymisés. Le point est passé en Conférence des sections, et beaucoup de directeurs et directrices y étaient favorables. Une réunion a eu lieu ce matin, et un vote est attendu prochainement.
Autre chantier : les échecs définitifs en Bachelor. On lance une réflexion sur le sujet. Pourquoi existent-ils ? C’est dramatique quand ça arrive, même si c’est une contrainte fédérale. On ne pourra sans doute pas les supprimer, mais on veut comprendre leur impact et réfléchir à des solutions.
On travaille aussi sur la consultation des copies d’examen. Actuellement, si tu n’es pas disponible à la date proposée par un prof, il n’est pas obligé de proposer une seconde session. On aimerait aller vers une numérisation systématique des copies. Mais ça soulève des réticences : certains professeurs ne veulent pas que leurs examens circulent.
Idéalement, à terme, l’objectif serait que chaque étudiante et étudiant reçoive sa note accompagnée de sa copie d’examen, numérisée.
-J: Et sur le logement, les places de travail ?
-A: Pour le logement, je représente aussi l’Agepoly auprès de la FMEL. On milite pour plus de logements abordables, mais le problème est que le canton manque de terrains constructibles. On fait pression, mais on n’a pas de levier direct.
Concernant les places de travail, c’est un sujet très discuté. Avec la disparition prochaine de l’Esplanade, on a été intégré aux discussions lors de l’appel d’offres. Ce sont des discussions confidentielles, mais on peut dire qu’on a fait passer le message : un bâtiment peut être esthétique, mais il doit rester fonctionnel ! [rires] On a même été consulté sur le choix des chaises !
On pousse pour que chaque espace libéré devienne un espace de travail. Il y a eu un groupe de travail autour de l’utilisation du bâtiment Pavilions. On a plaidé pour en faire un lieu d’étude. Mais d’après ce qu’on a entendu, ce sera finalement un Centre d’accueil des visiteurs après les travaux. Pour l’instant, personne ne sait ce qu’il adviendra pendant les travaux.
-J: Et le projet "CAP 3000" ?
-A: On a été consulté sur ce projet, qui limite à 3 000 le nombre d’étudiantes et étudiants entrants. La première application aura lieu cette année. C’est une mesure qu’on considère comme la « moins pire » parmi celles envisagées. L’EPFL aurait pu exiger un niveau B2 ou plus en langue, ou encore la maîtrise de l’anglais, ce qui aurait envoyé un très mauvais signal dans une Confédération trilingue.
Le CAP 3000 repose sur les résultats du baccalauréat : il faut atteindre au moins 80 % de la note maximale à l’examen, en mathématiques et en physique. Ensuite, une sélection est faite selon la nationalité du diplôme, avec un pourcentage égal par nationalité.
Si on suit les statistiques de l’école, cela devrait entraîner environ 200 étudiantes et étudiants en moins. C’est dommage de perdre autant de potentiel, mais c’est devenu nécessaire pour préserver la qualité de l’enseignement.
L’EPFL n’a pas les moyens (ni l’intention) de passer à un concours ou à une admission sur dossier. Ce CAP est prévu pour quatre ans, car la loi impose que ce genre de mesures soit temporaire. Mais il est très probable qu’il soit prolongé.