« On se déplaçait en voiture de cours en cours »

24 juillet 2023
Ambre
Depuis des siècles, les jeunes esprits avides de connaissance se rassemblent dans les écoles et universités pour apprendre et préparer leur avenir. L’évolution de la société, la culture et l'éducation a, sans surprises, entraîné des changements significatifs dans la manière dont les étudiantes et étudiants abordent leur vie universitaire. Alors que certains aspects de la vie étudiante sont inchangés, d'autres ont été transformés par l’évolution du monde moderne. L’interview de trois générations d'étudiantes et étudiants de l’EPFL, Marine 21 ans, Aurélie 32 ans et Jürg 66 ans, illustre les changements majeurs du mode de vie estudiantin sur notre campus.
@Jean-Pierre Grisel - 1978

Pourriez vous vous présentez ?

 

@Jürg Furrer – 2023

Jürg : Je m’appelle Jürg et je suis né il y a 66 ans de parents suisses allemands, mais j’ai grandi en Suisse romande, dans les environs de Lausanne. Après avoir passé 25 ans dans l’industrie j’ai créé ma propre entreprise de conseil il y a 12 ans. Je suis en couple et j’ai deux enfants adultes et un petit-fils. J’ai intégré l’EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne) en 1976, où j’ai étudié la chimie. J’ai suivi des cours partagés entre l’EPFL et l’UNIL (Université de Lausanne), mais j’étais inscrit à l’EPFL. J’ai obtenu mon diplôme en 1983, après avoir fait une pause d’un an pour enseigner. Par la suite, j’ai toujours voulu travailler dans la recherche pharmaceutique. J’ai effectué ma thèse à l’Université de Berne entre 1983-1986. Ensuite, j’ai fait un postdoctorat à CalTech (California Institute of Technology) à Pasadena en Californie. Après cela, j’ai été embauché par Sandoz à Bâle (qui s’appelle aujourd’hui Novartis), où j’ai occupé un poste dans la sécurité, la santé et l’environnement, et non dans la recherche. Il y a 12 ans, j’ai créé ma propre société de conseil, où je vends aujourd’hui mon expérience professionnelle industrielle. J’ai également donné des conférences sur les choix de carrières en chimie, encourageant les étudiants à explorer différentes opportunités et à suivre ce qui les passionne plutôt que de planifier rigoureusement leur carrière. Parallèlement à mon travail, je suis président de l’antenne Vaud-Valais des Alumni de l’EPFL depuis 5 ans.

@Aurélie  – 2023

Aurélie : Je m’appelle Aurélie et j’ai 32 ans. Je viens de Lausanne, en Suisse, mais j’ai grandi à Martigny dans le canton du Valais. J’ai emménagé à Lausanne pour étudier à l’EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne), où j’ai suivi des études en physique avec une spécialisation en physique des particules. J’ai terminé mon master en 2015.

Après mes études à l’EPFL, j’ai obtenu un emploi chez Rolex, dont j’ai appris l’existence grâce au Centre de carrière. J’ai rejoint leur graduate program, qui permet pendant deux ans d’effectuer des missions dans plusieurs départements et d’acquérir une vision transverse de l’entreprise dans le but de devenir manager.Après avoir terminé le programme, j’ai été promue au poste de manager de production.

Plus récemment, j’ai décidé de revenir près de chez moi et de travailler dans l’industrie spatiale. J’ai rejoint une entreprise dans ce domaine, Swissto12, où je suis actuellement manager de production.

Marine : Je m’appelle Marine, j’ai 21 ans et j’ai fini mon bachelor en Microtechnique, après être passée par la MAN (mise à niveau).

Est-ce que vous alliez à tous les cours en amphi ?

 

Jürg : Fondamentalement oui j’allais à tous les cours, j’en ratais très peu. Il y avait un seul cours dont on avait horreur durant lequel on jouait aux cartes. On était nettement moins nombreux qu’actuellement, une vingtaine, dont seulement 3-4 filles sur une petite vingtaine d’étudiants.

@Jean-Jacques Laeser – 1981

Aurélie : La plupart du temps, mais je loupais parfois les exercices ou les cours du vendredi matin…

Marine : Depuis le covid, pas énormément. J’allais aux cours agréables à suivre en personne et aux exercices.

Si vous manquiez un cours comment faisiez-vous ?

 

Jürg : On demandait à un copain ses notes et on allait les photocopier.

Aurélie : Je récupérais les notes auprès de mes camarades ou je consultais les supports de cours. Les cours utilisaient des polycopiés, des transparents ou des notes écrites à la main sur un rétroprojecteur ou un tableau noir.

Marine : Je regardais la vidéo du cours disponible sur Moodle.

Quels étaient les supports des cours ?

 

Jürg : On achetait beaucoup de livres et on étudiait avec. Mais en 10 ans, la chimie a tellement évolué que mes livres sont périmés. J’apprenais principalement avec des polycopiés, mes propres notes et d’autres livres. Nous étions les tout premiers étudiants dans le premier bâtiment de l’EPFL à Ecublens et nous avions beaucoup de cours aussi dans l’ancien bâtiment de l’EPFL (qui est aujourd’hui une école HEP) ainsi qu’à l’école de chimie au Château près de la cathédrale de Lausanne. On se déplaçait en voiture de cours en cours. Il y avait seulement une salle dédiée à la chimie sur le campus. Notre école n’accueillait que peu d’étudiants étrangers, ce n’était pas encore une école internationale comme de nos jours ; elle était beaucoup plus petite.

@Henri Germond – 1975

Aurélie : Nous prenions les notes à la main pendant les deux heures de cours. Pour rechercher des informations, nous nous appuyions principalement sur les livres. Nous n’avions pas besoin de faire de recherches supplémentaires, car les informations nécessaires étaient généralement disponibles dans les livres.

Marine : Les cours étaient presque tous disponibles sous forme de slides.

Faisiez vous partie d'une association ?

 

Jürg : Les associations n’existaient presque pas à l’époque, nous avions peu d’activités au sein du campus, que ce soit du point de vue de l’animation ou du soutien aux étudiants. Ces deux domaines sont beaucoup plus présents maintenant, c’est une magnifique évolution.

Aurélie : Non, je n’en faisais pas partie. J’admirais beaucoup ceux qui organisaient des événements tel que Balelec. J’ai un peu aidé occasionnellement, mais avec le recul, j’aurais bien aimé y participer davantage. Maintenant, je suis membre de l’association des anciens élèves de l’école. J’ai eu du mal à conjuguer études et engagements.

Marine : Oui ! J’ai fait partie du Coaching ainsi que de la Rocket Team.

Le midi, tupperwares ou restaurants universitaires ?

 

Jürg :  Au moment du déjeuner, nous avions deux services à la cantine, un à 12h et l’autre à 12h45. Plus tu étais à l’heure, plus tu pouvais t’asseoir en début de table et espérer te resservir plus facilement.  Dans mes souvenirs le plat coûtait environ 3 CHF.

Aurélie : La plupart du temps, j’allais au restaurant universitaire. Je n’étais pas assez organisée pour préparer des tupperwares. Il y avait un restaurant près de la station de métro qui n’était pas très bon, mais le repas ne coûtait que 6 CHF. Celui des architectes était un peu meilleur, dans le bâtiment Le Corbusier.

Marine : Je me force à faire un maximum de tupperwares pour économiser des sous.

Qu’en est-il des sorties et soirées du jeudi ou vendredi soir ?

 

Jürg : Nous avions aussi des sorties et soirées, mais nous avions moins de mobilité à l’époque. Cependant, nous apprécions ces moments et sommes souvent allés au bar le 13ème siècle à Lausanne.

Aurélie : Je sortais assez souvent le jeudi, même d’autres soirs de la semaine. Après les cours, je me rendais en ville, sauf le vendredi car je rentrais en Valais en utilisant la Voie 7 (ancien abonnement Seven25).

Marine : Au début de mon Bachelor j’allais beaucoup aux soirées organisées par des associations. Sinon on va chez des potes ou dans des bars sur le campus et en ville parfois.

Où habitaient vos parents et à quelle fréquence rentriez-vous chez eux ?

 

Jürg : J’avais la chance d’habiter chez mes parents à Belmont sur Lausanne. A mon époque, la plupart des étudiantes et étudiants habitaient chez leurs parents et venaient de la région. Une des collègues d’étude venait de Genève et habitait à la résidence universitaire de Rhodanie, mais globalement on habitait chez nos familles. Une chambre d’étudiant à Rhodanie coûtait environ 160.-/mois.

Aurélie : Mes parents habitaient à Martigny et je rentrais tous les weekends pour voir mon copain de l’époque et mes amis d’enfance.

Marine : Mes parents habitent à Bordeaux. Je rentre les voir une à deux fois par semestre.

Des souvenirs de Balelec ?

 

Jürg : Balelec n’existait pas encore quand j’ai commencé mes études

Aurélie : À chaque fois je perds tous mes amis. Je me retrouvais toujours seule. C’était tellement grand ! Je ne reconnaissais même plus l’EPFL, rien que pour aller aux toilettes c’était compliqué, surtout quand on a un peu trop bu.

Marine : C’est immense Balelec ! Le nombre de personnes qui y vont est incroyable, rien que pendant les « before » au bord du lac, c’est noir de monde. Il y a des artistes sympas et tout plein de roulottes. Au final on finit tous par perdre ses potes.

Le lieu pour donner RDV à ses ami.es ? et par quel moyen les contactiez vous?

 

Jürg : J’ai du mal à m’en souvenir mais on communiquait avec le téléphone fixe depuis chez nous. On était un groupe d’amis qui restait très souvent ensemble alors tout s’organisait principalement à l’oral.

Aurélie : On avait Facebook et même WhatsApp il me semble. Mais on se voyait pendant les cours alors on ne s’écrivait pas beaucoup de messages.

Marine : On a des groupes WhatsApp ou Telegram et on s’envoie des messages en direct quand quelqu’un a un plan.

@Alain Ogheri – 1988

Quel était votre tenue typique pour aller en cours ?

 

Jürg : Relax et confort. Jean, t-shirt, chemise ou polo, à vrai dire c’est comme cela que je m’habille maintenant que je suis à mon compte.

@Jürg Furrer

Aurélie : À mon époque, le style n’était pas le plus important dans la section Physique, ce n’était pas la fashion week. Moi, je mettais des jeans slims, des tops pas crop-tops et des converses, c’était à la mode.

 

Que pensez-vous de la charge de travail?

 

Jürg : On travaillait à fond, ce n’était pas facile. En chimie, les laboratoires prenaient beaucoup de temps. Les TPs étaient en binôme et il fallait rendre des rapports. Avec ma co-équipière, nous passions de nombreuses soirées et week-ends à travailler dessus. On avait 42/44h de cours et à côté presque 2h par jour de travail annexe, soit facilement plus de 60h par semaine.

Aurélie : Pour moi c’était beaucoup. Les cours étaient difficiles et avaient lieu de 8h à 17h tous les jours.  En plus il fallait étudier après les cours et j’avais des petits jobs en parallèle.

Marine : C’est assez intense, surtout la première année. Tous mes weekends et soirées y passaient. La fin du Bachelor cela allait mieux, on arrive à s’organiser pour faire moins pendant le semestre (et par conséquent plus pendant les révisions).

Avez-vous gardé des amis de l'EPFL?

 

@Jürg Furrer

Jürg : Oui, comme nous étions peu, notre groupe d’amis était très soudé, encore aujourd’hui on forme une équipe de 7/8 camarades avec qui on organise des randonnées et avec ma collègue Christiane de l’époque nous faisons encore aujourd’hui très régulièrement du ski. Dans notre groupe d’amis il y a deux filles, sur les trois ou quatre que comptaient la section.

Aurélie : Oui ! Trois de mes meilleures amies actuelles je les ai rencontrées à l’EPFL.  On se voit encore tout le temps.

Aujourd'hui vous utilisez beaucoup de notions apprises à l'EPFL?

 

Jürg : Aucune, haha. Alors pourquoi avoir faire 5 ans à l’EPFL, 3 ans et demi de thèse et 1 an et demi de postdoc pour ne pas utiliser ses connaissances ? On ne peut pas prévoir à l’avance. Finalement mes études ont été une très bonne école de vie.

Aurélie : Non je n’utilise presque aucune notion de physique des particules apprise durant mes études, j’ai vraiment changé de domaine.  J’utilise cependant beaucoup mes capacités d’analyse et de résolution de problèmes, et la capacité à apprendre vite.

Un conseil ultime pour les étudiantes et étudiants d’aujourd’hui ?

 

Jürg :  Agir avec son cœur et passion. Sans passion, on n’a pas choisi la bonne voie et l’on passe peut-être à côté de quelque chose. Je conseillerais à toute étudiante et étudiant aussi de bien préparer son réseau. Le networking n’était pas quelque chose de courant dans le passé mais c’est devenu aujourd’hui quelque chose d’incontournable pour débuter sa vie professionnelle.

Aurélie : Profitez à fond de vos années sur le campus. Participez aux associations, partez à l’étranger, participez aux fêtes, mais n’oubliez pas de réviser régulièrement ! Pensez également à rester en contact avec vos collègues de classe, le réseau est précieux dans la vie professionnelle. Lorsque vous serez diplômés, venez nous rejoindre aux événements organisés par les antennes Alumni !