Quel a été votre parcours pour en arriver là ?
J’ai commencé l’EPFL en 2010, après mon service militaire. J’ai fait mon Bachelor et Master en mécanique, avec une spécialisation en énergie, hydraulique et aéronautique.
J’ai participé au projet Solar Decathlon notamment en gestion de projet. Vers la fin de mes études, la professeure Maryline Andersen m’a proposé de reprendre la coordination du projet. J’ai accepté et j’ai terminé cette belle aventure à plein temps. En 2018, le SKIL a ouvert sous l’impulsion du professeur Anders Meibom et j’en ai pris la coordination.
Inauguration du SKIL © EPFL – Jamani Caillet
Puis, en 2022, le SPOT a ouvert. Il y avait peu de personnel, donc on m’a proposé d’en prendre la gestion, surtout pour qu’il fonctionne de manière similaire au SKIL et qu’il n’y ait pas de concurrence entre les deux espaces.
Je suis donc responsable du SKIL et du SPOT. Je suis aussi coordinateur de la Racing Team, car cette initiative a vu le jour quand le SKIL a ouvert, et le professeur Anders Meibom tenait à soutenir l’équipe et la motivation des étudiantes et étudiants initiateurs du projet.
la Racing Team et leur voiture électrique © EPFL – Alain Herzog
Quel est votre rôle ?
J’ai beaucoup de gestion à faire. Je mets en relation les étudiantes et étudiants avec les ressources de l’école. En quelque sorte, c’est du matchmaking. Quand les étudiantes et étudiants ont un besoin, c’est à moi de trouver les infrastructures qui y répondront.
Je m’occupe aussi de l’administration, des finances et des ressources humaines pour les projets crédités au SKIL. Au SPOT, je gère l’équipe, l’interaction avec l’école et je travaille à faire reconnaître ces infrastructures au sein de l’école.
Julien Delisle et Pascal Vuilliomenet sont des personnes clés, tout comme les professeurs Maryline Andersen et Anders Meibom pour le SKIL. Même si nous ne travaillons pas toujours directement en équipe, on se soutient. Par exemple, pour créer un site web, on commence ensemble, puis on répartit les responsabilités en fonction de nos compétences respectives. Julien, par exemple, attire les étudiants et étudiantes, et moi je m’occupe de structurer tout ça.
Samuel (milieu) à l’inauguration du SKIL © EPFL – Jamani Caillet
Comment s’est passée la création des projets MAKE ?
Le projet Swiss Cube, qui visait à mettre en orbite un petit satellite, est l’une des premières initiatives étudiantes de grande ampleur. Il y avait aussi l’Hydrocontest. Ces projets ont servi de modèle pour tester les dispositifs de soutien aux initiatives étudiantes. Puis, le Solar Decathlon a eu un fort impact, surtout après sa victoire au Solar Decathlon Built Challenge.
Solar Decathlon © EPFL – Alain Herzog
Ces projets ont soulevé plusieurs défis pour l’école, notamment en ce qui concerne le soutien aux étudiantes et étudiants engagés dans des activités de prototypage, qui nécessitent un accès plus souple et autonome aux ressources. Ils ont montré l’intérêt de la communauté étudiante et la manière de le concrétiser. MAKE a été créé pour gérer tout cela, et c’est là que Julien Delisle est intervenu. Il a fallu veiller à ne pas surcharger les équipements, obtenir la reconnaissance académique et valoriser les compétences transverses acquises.
Il y avait aussi toute la partie juridique et financière, notamment pour savoir comment les sponsors pouvaient financer des projets dans le cadre d’une école fédérale. Julien s’est attaqué à toutes ces problématiques.
En 2017-2018, il y a eu une explosion de ces projets, et l’école a mis en place une structure qui continue d’évoluer. C’est ce qui rend le travail passionnant.
Comment les projets et la structure ont-ils évolué ?
Au début, c’était une phase expérimentale. Grâce au soutien de l’école, les étudiantes et étudiants avaient un cadre. Cela a permis une vraie explosion d’idées et un fort engagement de la communauté estudiantine.
Aujourd’hui, MAKE est devenu un label, un gage d’employabilité. Certaines entreprises préfèrent engager des étudiants et étudiantes impliqués dans ces projets. Cela les motive encore plus à participer. Le nombre de projets doit rester stable, mais le nombre d’intéressés augmente.
Le type de projet a évolué également. Maintenant, on touche à plusieurs facultés et on essaie de diversifier les types de projets. Chaque faculté est représentée dans le comité, ce qui permet de toucher plus d’étudiantes et d’étudiants et de susciter davantage d’intérêt.
Pour l’avenir, il faudrait mieux valoriser les compétences acquises. Les étudiants apprennent énormément de choses, surtout des compétences transverses, et ces acquis mériteraient des crédits.
Que se passe-t-il quand un projet émerge ?
Julien est le principal responsable de tout ça. Quand des étudiantes ou étudiants viennent nous voir, on les dirige vers Julien, qui s’occupe de la discussion et du « matchmaking ».
Ensuite, il y a un comité annuel où les projets peuvent être proposés par les professeurs superviseurs. On y discute des problèmes logistiques, comme le stockage, et on définit les projets soutenus par l’infrastructure MAKE pour l’année.
Mais récemment, lorsqu’un projet arrive à ce stade, il est difficile de répondre à toutes les questions sur chaque projet, surtout pour les projets embryos. Il y a donc eu un changement: désormais, les projets sont soutenus pendant 3 ans. Chaque année, on fait une mise à jour pour vérifier qu’il reste aligné avec les objectifs de MAKE, mais cela nous permet de nous concentrer sur d’autres aspects lors des réunions.
Cela permet aussi aux étudiantes et étudiants d’avoir plus de temps pour la phase de création, avant que l’innovation et le développement arrivent.
le SKIL ©EPFL – Murielle Gerber
Quelle est la différence entre le SPOT et le SKIL?
Le SKIL a été créé en premier, dans le but de disposer d’un petit espace de prototypage jusqu’en 2023. Le SPOT est né en parallèle.
Au début, le SKIL était réservé à la faculté ENAC, mais il a ensuite été ouvert à toutes et à tous. Le SPOT, lui, a été directement ouvert à toute la communauté étudiante et soutenu par la Vice-Présidence associée pour l’Éducation (A-VPE).
Les deux espaces sont ouverts aux étudiants et étudiantes, mais le SKIL est plus axé sur les matériaux poussiéreux, comme le bois, le béton, et les composites. Le SPOT, lui, est plus tourné vers la mécanique et l’électronique, avec notamment une salle d’impression 3D et une salle immersive. C’est important d’avoir ces espaces séparés car on n’aime pas trop avoir de la poussière sur ses PCB ! [rires]
Par exemple, pour la Racing Team, ils fabriquent les éléments de structure de la voiture au SKIL, et les pièces plus précises, comme l’ordinateur de bord, sont faites au SPOT.
la Racing Team au SKIL © EPFL – Alain Herzog
Donc le SKIL va fermer ?
Oui et non. Nous avions un permis d’habiter jusqu’en 2028 qui est désormais prolongé, mais c’était normalement une solution temporaire pour accueillir les étudiants et étudiantes et tester leurs besoins.
Nous espérons que l’école va soutenir un projet pour remplacer le SKIL, le DLL-MX. Le SKIL nous a permis de développer des bonnes pratiques pour le SPOT, et nous aimerions garder deux espaces distincts.
Nous aimerions aussi un bâtiment avec une zone d’assemblage, car la porte du SPOT est trop petite pour y faire entrer des structures volumineuses, comme des bateaux. On ne peut pas construire de grandes structures à l’intérieur si on ne peut pas les sortir ensuite !
Quels sont les plus grands défis pour gérer tout cela ?
Le plus grand défi, je pense, c’est l’imprévu et l’inconnu. Chaque jour, de nouvelles demandes arrivent. Et puis, il y a cette question de faire confiance aux étudiantes et étudiants qui utilisent l’espace, sans les surveiller en permanence. Il faut aussi en convaincre l’administration, et cela reste un défi.
C’est important de leur permettre d’apprendre de leurs erreurs, car celles-ci ont souvent moins d’impact que dans le monde de l’entreprise. Mais il faut aussi que les étudiantes et étudiants ressentent cette confiance. Ils doivent pouvoir venir nous voir s’ils ont fait une erreur, et non pas essayer de cacher leurs fautes. C’est de cette manière qu’ils apprendront le plus.
Un autre défi, que Julien a aussi évoqué, c’est la valorisation du travail des étudiantes et étudiants. Les projets sont reconnus par la présidence de l’EPFL, mais il est encore difficile de leur attribuer des crédits. Même s’ils ne vont pas apprendre des théories avancées comme la transformée de Fourier, ils vont comprendre pourquoi ces concepts sont utilisés. Cela touche à la fois l’ingénierie et la gestion de projet, un peu comme des petites entreprises.
Comment voyez-vous l’évolution des projets ?
C’est une bonne question ! Je n’ai pas de réponse toute faite. Mais il y a une forte demande sur le campus. Nous sommes dans une phase positive. Il y a eu beaucoup de progrès, nous avons plus de diversité dans les projets et une belle communauté d’entraide dans les espaces.
L’objectif est de se sentir bien ici, de ne pas avoir de concurrence, mais plutôt de travailler ensemble pour apprendre.
Il faut aussi donner plus de place aux crédits et permettre à encore plus d’étudiantes et étudiants d’expérimenter et d’apprendre en faisant. Pour cela, il faudra agrandir les infrastructures et augmenter le nombre de coachs.
Quel est le projet qui vous a le plus marqué ou impressionné ?
Je dirais le Solar Decathlon, mais ça doit être l’étudiant qui parle ! [rires] C’était une aventure incroyable, qui m’a beaucoup appris, tant sur le plan de la gestion que sur le plan humain. Nous devions créer un bâtiment répondant à 10 critères, l’envoyer aux États-Unis pour une compétition, le construire en 10 jours et le déconstruire en 5. Cela impliquait un gros travail de coordination avec de nombreux ingénieurs différents.
Cette expérience a été une véritable opportunité d’apprentissage, et c’est ce qui m’a motivé à m’impliquer activement dans la création d’espaces comme le SKIL et le SPOT, pour permettre aux étudiants et étudiantes de vivre des expériences tout aussi enrichissantes.
l’équipe du Solar Decathlon © EPFL – Alain Herzog