La « surpopulation » à l’EPFL

25 avril 2023
Ambre
Des amphithéâtres aux logements, l’essor en population à l’EPFL impacte les étudiantes et étudiants dans leur quotidien.

8h07. Le campus est lourdement silencieux. Le calme avant la tempête comme on dit. 08h10. Des grondements s’approchent. Les deux m1 entrent en gare à la station Ecublens VD, EPFL. On se bouscule, on s’impatiente. Inexorablement, les portes s’ouvrent et le métro vomit des centaines d’étudiantes et étudiants pressés pour leur cours de 8h15.

Tel un troupeau de buffles, ils foncent, casque aux oreilles, sur le rythme de leurs musiques. Sans pitié, on regarde droit devant soi, il faut arriver en premier, ou par terre on se retrouvera.

Bon ok c’est exagéré, mais on est toutes et tous d’accord : il y a un problème de « surpopulation » à l’EPFL.

En amphi

Une journée type d’un.e epflien.ne commence le matin en amphi. Pendant les premières semaines du semestre, alors que tout le monde suit les cours en présentiel, la plupart des amphis se remplissent en un clin d’œil.

Coline, étudiante en bachelor de chimie témoigne d’un cas extrême :

«Le semestre passé, il fallait arriver vingt minutes avant le début du cours pour espérer trouver une place dans cette toute petite salle du CM. 70 étudiantes et étudiants étaient à caser là-dedans, alors que la capacité maximale de la salle ne dépassait pas les 40 places. Difficile de suivre le cours dans de bonnes conditions, d’autant plus lorsque le professeur écrit à la craie sur le tableau noir en pattes de mouche pendant deux heures… »

Le midi

La plus sacrée des pauses arrive, le midi. D’après un questionnaire réalisé sur 273 étudiantes et étudiants de l’EPFL, 58% utilisent les micro-ondes chaque semaine. Pour celles et ceux qui apportent leurs lunchs, un nouveau challenge s’impose : réchauffer son tupperware. Pour cela l’EPFL met à disposition des micro-ondes repartis sur le campus. Par les statistiques faites par Baptiste Lecœur en road trip trottinette, il y avait 17 micro-ondes sur le campus le semestre dernier, maintenant il y en aurait 27, et il devrait en avoir 13 supplémentaires dans un futur plus ou moins proche. Malgré cela, les queues pour y accéder sont interminables. Il arrive que certaines étudiantes et étudiants mangent froid de temps en temps, par manque de temps pour faire la queue. D’autres font preuve d’inventivité pour éviter d’attendre trop longtemps. Par exemple je connais une étudiante qui réchauffe son tupperware à 11h assez fort pour que son repas soit toujours chaud à midi. D’autres personnes gardent secrètement des micro-ondes dans leurs casiers tandis que certaines ont simplement changé leurs horaires de déjeuner avant ou après les heures de pointe.

Pour celles et ceux qui mangent aux food-trucks, le problème est encore plus visible. Il suffit de regarder l’avenue devant le Rolex Learning Center (RLC), noire de monde, surtout le mardi midi à l’époque des fameux sandwichs NAS.

Place de travail

Trouver une place de travail le soir après les cours est aussi un enjeu assez conséquent. Sans avoir pris une place au RLC le matin, il est très complexe d’en trouver une après 15h.  En effet le rolex a été construit en 2010, pour 860 places, quand l’EPFL comptait 7’370 étudiantes et étudiants. Aujourd’hui, nous sommes 13’584, sans compter les personnes qui viennent au RLC qui ne sont pas à l’EPFL.

Les courses le soir

Avant de rentrer, le lieu de rendez-vous favori c’est la Migros du campus pour y faire deux trois courses pour le soir. Encore une fois, la population importante à l’EPFL s’y témoigne par de longues queues pour aller aux caisses et des rayons encombrés.

Matthieu, étudiant en Bachelor de génie civil, va régulièrement à d’autres supermarchés hors du campus afin d’éviter le monde.

« Le soir, après les cours quand je vais acheter de quoi remplir mon frigo, je préfère aller au centre commercial d’Ecublens qui est à 5 min à vélo et qui a beaucoup plus de choix (Coop, Migros, poste, pharmacie, Denner, Fust, et d’autres). C’est plus simple pour moi qui habite proche de l’EPFL et d’Ecublens. Les Migros de Cèdres et d’Ecublens sont vides à chaque fois que j’y vais, et celle de l’EPFL on est parfois à peine entré qu’on est déjà dans la queue pour les caisses !! On fait alors nos courses tout en attendant dans la queue. »

Logement

La guerre des logements est sûrement la plus importante. Sans aller dans les détails, il est avéré que trouver un logement étudiant autour du campus est une tâche assez complexe, et d’autant plus avec la demande qui augmente. C’est une problématique qui devient très pressante et les conséquences sur les étudiantes et étudiants sont directes puisque certains se retrouvent à dormir dans un salon ou sur un matelas au sol chez un·e pote pendant plusieurs semaines. Ma petite sœur, par exemple, est rentrée en BA1 en automne 2022 et elle a commencé l’EPFL en dormant 1 mois avec moi dans mon studio avant d’avoir son logement étudiant. Il y’a même certains cas d’habitation provisoire au camping de Vidy. Franck, étudiant en 1ère année de Master, a accepté de témoigner des difficultés qu’il a rencontré pour trouver un logement à la rentrée 2019 :

« Il faut savoir que je viens du Liban à la base ! Du coup tout mon début de recherche d’appartement se faisait à distance, et en étant pas sur place et sans vraiment avoir de contact à l’EPFL, c’est assez compliqué d’être bien renseigné sur les logements étudiants, et du coup quasi impossible de trouver de bons plans.

Au bout d’un moment vu que tout était infructueux, mes parents ont fait appel à une agence pour faire les recherches, et un ami pouvait aller faire les visites, mais cela n’a vraiment rien donné au bout du compte.

Quand je suis arrivé en Suisse début septembre je n’avais toujours pas d’appart, on était à l’hôtel avec ma mère, et on faisait d’autres visites nous-mêmes, toujours rien. Quand on a connu les bungalows du camping de Vidy, via un mail de l’EPFL, on était un peu obligé de se rabattre dessus, on avait vraiment aucune alternative à ce point.

Là-bas, cela fait son travail de dépannage mais c’est un camping quoi, c’est les douches de camping, c’est les toilettes partagées… Et aussi les bungalows c’est 15m² pour deux personnes, donc c’est vachement serré. Mon voisin payait le double du loyer pour pouvoir être tout seul dans son bungalow d’ailleurs. Aussi je dois avouer que pour moi qui venait d’arriver en Suisse et qui vivait seul pour la 1ère fois, c’était un peu angoissant de ne pas vraiment avoir d’intimité (même si mes colocs de bungalow étaient cools).

Ce qui a fait que j’ai pu en partir c’est grâce à un ami de mes parents qui avait un fils à l’EPFL et qui partait de sa coloc, et ils m’ont proposé sa place début octobre. Et c’est un peu badant en soi parce que c’est vraiment un gros coup de chance, pour peu que mes parents n’aient pas eu autant de contacts en Suisse, je sais vraiment pas ce que j’aurais fait. Et puis, pour les personnes qui n’ont pas spécialement les moyens de payer une agence, de venir sur place en amont pendant longtemps… J’ai vraiment eu l’impression d’avoir eu un alignement des astres pour pouvoir m’installer quelque part et je ne comprends vraiment pas comment tous les nouveaux étudiants et étudiantes à l’EPFL/UNIL font pour finir par être installés. »

L’avis de Pierre Dillenbourg membre de la VPA

Nous, étudiantes et étudiants sommes bien informés de cet enjeu dont les conséquences nous touchent directement. Mais qu’en est-il de la direction ? Pour en savoir plus, nous avons demandé l’avis du professeurPierre Dillenbourg, vice-président associé pour l’éducation, expert en la matière, et sa réponse est « Nous sommes conscients du problème et faisons notre possible pour y remédier ». Il travaille sur cette problématique depuis 1 an, au sein d’un groupe composé de membres de l’AGEPoly et de la direction, et il a passé une semaine entière pendant les vacances de Noël à rédiger un dossier en béton sur ce sujet!

D’ailleurs, l’expertise de Pierre est si redoutable, qu’un petit paragraphe sur son avis ne suffisait pas. J’ai donc demandé à ChatGPT de résumer l’interview en guise de bande annonce pour l’article complet que vous retrouverez demain sur ALTER.

Source : https://www.epfl.ch/about/facts/fr/statistiques-institutionnelles/statistiques-education/

Merci à Coline, Matthieu, Baptiste et Franck pour leur participation.