Du Rolex au musée

On continue la série des expériences avec le monde du travail en parallèle des études à l’EPFL. Nous sommes aujourd’hui avec Jeanne Charlot, étudiante en BA6 en Matériaux. En plus de ses études et de sa participation au monde associatif (comité Artiphys, membre et ancienne co-présidente d’Artepoly, rédactrice à ALTER, etc.), elle a un job étudiant à EPFL Pavilions depuis bientôt deux ans.

Tu fais quoi à EPFL Pavilions ?

EPFL Pavilions, anciennement ArtLab, est le musée de l’EPFL dans le long bâtiment qui longe le campus. J’y travaille à l’accueil et comme guide. Pour commencer, en arrivant le matin, on allume toutes les œuvres puis si on est à l’entrée, on fait l’accueil de tous·tes les visiteurs et visiteuses, on leur donne toutes les infos nécessaires. On travaille à deux ou trois selon les expos, on fait aussi des tours dans la salle d’expo pour donner des infos supplémentaires aux personnes intéressées qui ont des questions ou qui veulent en savoir plus.

On doit aussi être présent·e si une installation a un problème et on doit pouvoir la réparer, ça arrive que ce soit complexe ! A ce moment-là, on peut contacter les techniciens mais il faut pouvoir un maximum se débrouiller seul·e.
Il faut donc être super au courant de toutes les œuvres, on doit tout connaître par cœur, pour ensuite pouvoir expliquer correctement, comme des professionnel·les, aux visiteurs et visiteuses. Au début de chaque nouvelle exposition, les artistes donnent une formation avec tous les employés. C’est une visite guidée où ils expliquent chaque œuvre en détail et nous devons retenir toutes les informations.

C’est quoi les horaires ?

Pour des questions d’organisation, il y a toujours un seul shift par jour, de 10h30 à 18h30, avec bien sûr une pause déj. Il faut donc y consacrer une journée entière de la semaine. À cause des cours, je travaille le dimanche, mais la majorité des employés sont en master, avec moins de crédits, eux ont la possibilité de se libérer en semaine.

Lorsqu’il y a une exposition, c’est une fois par semaine, même pendant les vacances. Donc il faut s’organiser et peut-être faire des échanges de shifts.

Comment tu t’organises ?

Au début c’était très impressionnant, une journée entière de travail c’est effrayant, surtout en étant de l’EPFL. J’ai pas mal pondéré sur cet aspect avant de poser ma candidature. Finalement, ça se passe super bien. Ça me force à organiser ma semaine pour pouvoir libérer mon dimanche. En plus, ça m’oblige à être rigoureuse pour travailler le samedi et j’évite notamment de sortir en boîte le soir pour pouvoir travailler le dimanche matin avant d’aller au musée.

Lorsqu’il n’y a pas de visiteurs et visiteuses, je peux sortir mon ordinateur pour y faire quelque chose. Mais c’est très rare, car les expositions ont beaucoup de succès, surtout le weekend.

Comment et pourquoi as-tu commencé ici ?

Comme avec de nombreux petits jobs, c’était du bouche-à-oreille. Artepoly étant une commission d’art sur le campus, nous avons eu l’information qu’une place était libre. J’ai donc postulé. C’était surtout pour avoir de l’argent, ça commençait à devenir pénible de toujours devoir demander à mes parents pour n’importe quelle dépense et je voulais un peu leur enlever des coûts. Je pouvais faire de l’assistanat, mais j’avais envie que mon job soit aussi l’occasion de me changer les idées, me sortir de mon quotidien scientifique.

Adorant l’art, cette possibilité avait beaucoup plus de sens pour moi et le salaire est le même qu’un assistant étudiant. En plus, j’habite au Vortex et le fait que ce soit directement sur le campus m’a motivée.

Quelles sont les choses négatives ?

Le plus grand souci, c’est que l’exposition est aussi là pendant les vacances et les révisions. Donc c’est souvent encombrant de « perdre » une journée entière là-bas. Et pendant les vacances il faut s’organiser.En plus de ça, c’est difficile d’être pendant 8 heures d’affilées au même endroit. Il y a certes quelques pauses mais les journées sont tout de même longues.
Je ne bosse pas pendant les grandes vacances, mais pas de travail rime avec pas de salaire, donc les premiers mois du semestre sont assez compliqués.

Qu’est-ce que ça t’apporte ?

Avec du recul, ça m’apporte énormément de choses : de la débrouillardise au savoir ! Il y a tout ce qui est spécifique au Collège des Humanités et au laboratoire de muséologie expérimentale (eM+). Cela m’amène une ouverture sur la recherche qui se fait entre les domaines de l’ingénierie et de l’art. Et c’est une vision super classe dans ce domaine, à chaque nouvelle exposition, le musée organise un vernissage chic en compagnie de toutes et tous les artistes.

C’est aussi une manière de découvrir les coulisses du fonctionnement des musées, par exemple comment ils cherchent à se financer etc…

En plus de tout ça, ce boulot m’a permis de parler avec aisance en anglais ; les visites guidées ne sont pas toutes en français ! Donc quand on n’a pas le choix, on sort de sa zone de confort et on progresse ! Je rencontre aussi régulièrement de nouvelles personnes à l’EPFL ou en dehors, un peu comme avec l’associatif, ce qui me plaît énormément.

Ça offre aussi une indépendance financière super agréable. Ça me permet d’aller au cinéma, de me cultiver, de voyager ou encore de m’acheter un café quand j’ai un coup de mou. Quand on vient de l’étranger comme moi, sans petit job c’est quasi impossible. En plus, j’apprends à gérer mon argent et ça m’apporte une certaine maturité pour gérer les sommes que je reçois. Ce qui me sera utile quand je serai totalement indépendante.

Et finalement, c’est surtout une bouffée d’air, une touche artistique qui manquait à mon parcours de future ingénieure. Les expositions sont intéressantes et me permettent d’apprendre énormément de choses externes aux matières de l’EPFL. Ça me plaît beaucoup donc j’aimerais bien continuer en master, peut-être en travaillant plus jusqu’à devenir totalement indépendante. C’est une bonne solution pour être confortable tout en faisant un job pas ingrat. Et ça me permet de mêler l’art avec l’innovation, ce qui m’a toujours fait envie.

Une anecdote ?

J’en ai même deux ! La première n’était vraiment pas marrante sur le coup mais maintenant j’en rigole… Donc j’étais tranquillement en vacances avant la rentrée à des kilomètres du campus lorsque mon téléphone sonne, je regarde et il y a pleins de messages sur le groupe avec toutes les personnes qui travaillent au musée comme quoi il manque quelqu’un. Cette personne c’était moi ! J’étais persuadée qu’une amie me remplaçais mais c’était un gros quiproquo donc je n’étais juste pas prête à ça hahaha je n’étais pas dans le même pays. Ma manager a dû me remplacer, oups ! A ne plus reproduire [rires]

Sinon, une autre anecdote plus marrante, un visiteur prof de maths en primaire est venu vers moi et a commencé à me poser des questions de maths pour «voir comment les étudiants de l’EPFL réfléchissent et résolvent des problèmes ». Le problème était tellement étrange que je n’ai pas réussi à le résoudre et en plus je n’étais pas du tout prête mentalement, enfin je n’étais pas en mode « analyse » mais plus en mode « guide de musée ». Il a fini par me lâcher « même mes élèves de 10 ans résolvent ça », super moment de vie !

 

Je remercie Jeanne de m’avoir accordé de son temps pour cette petite interview ! Si vous avez aussi une expérience avec un travail à côté des études que vous aimeriez partager, n’hésitez pas à me contacter par email à @sophia.kovalenko@epfl.ch !

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