« Surpopulation » sur le campus : l’avis de la vice-présidence

27 avril 2023
Ambre
Pour donner suite à l’article sur la « surpopulation » à l’EPFL, il était intéressant de connaître l’avis du professeur Pierre Dillenbourg, Vice-président associé pour l’éducation à l’EPFL, afin d’essayer de comprendre cet enjeu du point de vue de la direction. Il travaille sur cette problématique depuis 1 an, au sein d’un groupe composé de membres de l’AGEPoly, de directeurs de section, d’enseignantes et enseignants et de la direction, et il a passé une semaine entière pendant les vacances de Noël à rédiger un dossier en béton sur ce sujet!

Que pensez-vous de la hausse de la population à l’EPFL ?

C’est un fait. Pour ma part, je le remarque en particulier dans les cours orientés projet. Si vous donnez un cours avec 120 étudiantes et étudiants qui doivent faire un projet par équipe de trois, imaginez le temps investi pour donner un feedback à 70 projets. Plus les classes sont grandes, plus cela demande de l’énergie pour une pédagogie active. Le nombre d’assistant·es-étudiant·es certes augmente mais il faut le budget pour les payer. Le problème est similaire pour trouver des projets de semestre ou de master. Il y a également d’autres problèmes. J’évite de prendre le métro entre 7h45 et 8h15, sinon c’est un réel combat. Pour manger, vous allez au food-truck, vous pouvez attendre très longtemps.

Quelles sont les solutions envisagées ?

La qualité de l’enseignement est notre préoccupation principale, mais nous sommes aussi conscients de tous les problèmes d’infrastructures autour. On en parle beaucoup au sein de la Vice-présidence académique (VPA), mais aussi avec le Conseil des écoles polytechniques fédérales (CEPF).

Alors, qu’est-ce qu’on peut faire ? Là, on va construire 1 500 places de cours sous l’esplanade d’ici 2028-2029. Quand cela sera fini, on pourra rénover la Coupole. On essaye un peu partout. En 2025-2026, on aura un auditoire de 200 places dans la RTS. On loue le STCC, même si cela nous coûte cher. On utilise la salle polyvalente pour donner cours et on prive les pauvres étudiants de faire leurs fiestas, sauf le jeudi et vendredi soir. On va chercher chaque siège. Parce qu’on se bat pour que les étudiantes et étudiants puissent étudier dans de bonnes conditions.

Il n’y a pas que les cours, il y a aussi le travail en dehors des cours. Il nous faudrait un deuxième Rolex Learning Center mais il n’a pas été conçu pour qu’on rajoute un étage.  Alors l’idée c’est que la nouvelle salle de 1500 places sous l’Esplanade soit un auditoire la journée, et qu’après les cours, les tables puissent se moduler et donner un tout nouveau lieu de travail.

Tout ceci implique un budget conséquent, qu’en est-il au niveau finances ?

On a des coups de pied au niveau du budget, cela devient difficile. On aimerait avoir 200 millions de plus pour l’EPFL. C’est illusoire. Pourquoi ? Ce qu’il faut savoir, c’est que le budget fédéral de la Suisse est assez petit. Les impôts sont surtout cantonaux. Dans le budget fédéral, il y a l’armée, il y a les écoles polytechniques, il y a les affaires étrangères, …

Est-ce que vous étudiez également une limitation du nombre d’étudiantes et d’étudiants ?

Limiter le nombre d’étudiantes et étudiants étrangers qui rentrent au niveau Bachelor 1 pourrait être une piste. On veut rester une université internationale, mais là, on a quand même un problème de capacité. On doit faire quelque chose.

Une option envisagée est de demander 80% en maths et en physique aux étudiantes et étudiants étrangers au lieu de 80% de moyenne générale (cette mesure est d’ailleurs depuis peu mise en consultation, plus d’informations sur https://inside.epfl.ch/ae/fr/consultations-2023/). Quelle est la différence ? C’est que quelqu’un qui a fait 20 sur 20 en histoire, en gymnastique acrobatique ou en macramé ne peut pas compenser. L’année dernière, on avait 13 % de personnes qui avaient 80 % de moyenne générale, mais pas 80 % en maths ou en physique, et on sait que ce sont les deux branches qui comptent pour réussir la première. Maintenant, la prise de décision politique, c’est un long processus…  C’est une piste envisagée qui est réaliste, mais pour 2024. Elle n’est pas choquante car on est pas très loin de ce qu’on fait.  Mais cela ne va pas nous sauver totalement puisque quand on est passé de 70% à 80% de moyenne en 2014, on a eu une baisse pendant un an, puis cela a renforcé l’aura de l’EPFL comme étant une grande école.

D’autres pistes ont été évaluées, comme la limitation des places en Bachelor 1, avec une priorité, aux personnes ayant une maturité suisse, aux redoublants et aux étudiantes et étudiants de la MAN et du CMS . Mais cela serait vraiment une mesure de dernier recours.

En bref, on est conscient du problème mais il n’y aura pas de changement brutal. Alors on regarde toutes les possibilités. Il y en a des plus simples, des plus délicates. J’aurais aimé ne pas prendre ce genre de décision, mais ce sera inévitable. Donc, il faut dire aux étudiantes et étudiants, oui, nous sommes bien conscients du problème et nous faisons notre possible pour y remédier.