Advanced Science Building: (Encore) un futur chantier fou

L’Advanced Science Building (ASB) est un nouveau projet de construction EPFLien, dédié cette fois entièrement à la recherche. Un bâtiment ultra-exigeant, qui devrait pouvoir « couper du monde extérieur » les laboratoires de recherche en son cœur.

Le projet en bref

L’Advance Science Building est source de contraintes de haut niveau pour les architectes, les ingénieurs et les ouvriers qui travaillent et travailleront sur le projet. Un mandat d’étude a été lancé il y a trois ans, dans le but de trouver la formule parfaite, afin de construire cette terre promise de la recherche aux conditions idéales : tous les paramètres doivent être maîtrisés.

Bruit, vibrations, variations de température… on imagine difficilement à quel point les recherches à petite échelle, parfois allant jusqu’à l’atome près, peuvent être affectées par un rien. Le « bruit » dans ce contexte dépasse largement le son. On parle alors de perturbations électromagnétiques, de vibrations physiques à l’échelle du micron, de variations d’humidité, de température ultra précise.

À toutes ces contraintes s’ajoute celle du nombre de personnes attendues : 600 utilisatrices et utilisateurs, et près de 26 groupes de recherche trouveront leur place dans ce lieu — espace d’expérimentation pour la physique quantique, la nanotechnologie, la chimie, la biologie et la science des matériaux.

Pas facile, donc, comme exercice pour les bureaux ayant participé au mandat d’étude. C’est en 2023 que les jurys se sont décidés, s’arrêtant sur la proposition du bureau d’architecture Kaan Architecten (NL) et Celnikier & Grabli Architectes (F). Leur principe : une organisation concentrique, similaire à celle d’une horloge bien suisse — un laboratoire en forme de C, encerclant un silo central, isolé de la structure principale pour réduire toute perturbation.

Organisation du bâtiment

Le cœur dur renferme les laboratoires, encerclés par une enceinte de béton, les protégeant ainsi des interférences extérieures : lumière naturelle et vibrations. Pour renforcer l’isolement, surtout contre les champs électromagnétiques, le cœur s’étend sur deux étages souterrains. Une couche périphérique autour du coeur acceuille les fonctions de maintenance et de support technique des laboratoires.

L’enveloppe souple, protégeant le cœur, sera en bois et en béton. Prévue pour accueillir bureaux et espaces de travail, elle répondra aux besoins des chercheurs et chercheuses. Ce sera un espace modulable et flexible, dont l’utilisation pourra varier selon l’évolution des besoins.

Pour deux étages de laboratoire, au cœur, correspondront trois étages de bureaux, dans l’enveloppe souple.
Cette configuration spatiale enrichit le projet : sur 12 mètres de hauteur accueillant deux étages de laboratoires, se développent en parallèle trois étages de bureaux en mezzanine. Les ailes offrent une diversité d’espaces de travail, répartis le long d’un mur en briques de terre crue (Terrabloc), avec des infrastructures complémentaires telles que des casiers, des postes temporaires ou des zones de réunion informelles. [1]

En plus des espaces de travail de l’enveloppe souple, des foyers seront construits vers l’extérieur du bâtiment, à destination de la communauté EPFL. Zones de pauses, salles de conférences, espaces partagés d’étude : une vitrine pour les scientifiques, une antichambre pour les laboratoires. Ces foyers favoriseront la rencontre entre les différents espaces de recherche, stimulant l’interdisciplinarité.

« Une organisation pertinente pour garantir aux scientifiques une efficacité totale tout en respectant les besoins spécifiques des laboratoires, dont certains ne tolèrent les vibrations qu’inférieures au dixième de micron par seconde près. Une solution qui a pu émerger grâce aux workshops organisés avec le maître d’ouvrage et ses conseils »
Jacob Celnikier, Marko Lanna

Les promesses

Quand on prévoit une aussi grosse construction, en 2025, et surtout à l’EPFL, on ne peut plus se permettre la folie des grandeurs sans réfléchir aux conséquences environnementales, à l’optimisation, à la durabilité, à la réutilisation du bâtiment.

Alors on promet un peu tout : l’agence d’architecture parle de solutions bas carbone et low-tech pour les bureaux et la façade, visant une certification DGNB/SGNI.

Pour éclaircir ce que signifient ces acronymes : DGNB est l’acronyme de Deutsche Gesellschaft für Nachhaltiges Bauen. Ça ne vous dit rien, ou vous ne parlez pas allemand ? On vous explique.

Mis sur le marché en 2008, ce label est destiné à certifier la durabilité des bâtiments neufs ou existants.
En Suisse, ce label est relayé par la SGNI, une association visant à promouvoir et à rendre mesurable la durabilité des bâtiments tout au long de leur cycle de vie. Le système DGNB évalue la performance globale d’un bien, qu’il soit neuf ou existant, et attribue un certificat Platine, Or ou Argent en fonction de critères tels que la qualité de gestion, l’impact écologique, les aspects socio-fonctionnels, l’esthétique architecturale, l’économie, la technique et l’emplacement. [2]

Pour revenir à notre Advanced Science Building, les objectifs sont :

  • Une structure bois-béton pour les dalles et les porteurs, avec un système de ventilation « free-cooling » utilisant la masse thermique des laboratoires.

  • Le recyclage des terres d’excavation, réutilisées pour construire des murs en Terrabloc, améliorant le refroidissement passif.

Terrabloc, c’est une start-up genevoise qui produit des briques à partir de déchets d’excavation, réinventant une technique ancestrale. Elle récupère la terre des chantiers, la concasse, la mélange, la compresse, et en fait des briques. [3]

  • Une organisation spatiale flexible, sans murs porteurs, permettant une grande adaptabilité.

  • Une façade en ossature bois.

Statistiques et objectifs

Qui dit projet de grande envergure, avec des exigences élevées, dit budget conséquent. Pour ce bâtiment, ce ne sont pas moins de 200 millions de francs qui sont investis. [5]

Ce projet est pour l’EPFL une occasion unique de briller à l’international :

« Il existe moins de dix lieux proposant de telles capacités. Tous ont été visités durant l’élaboration de notre projet, ce qui nous a permis de retenir à chaque fois leurs meilleurs atouts et d’éviter un certain nombre d’écueils. »
Ambrogio Fasoli, vice-président associé pour la recherche

Actuellement en cours d’enquête, la construction devrait commencer en 2026, sur le parking Colladon (Innovation Park). Entre le chantier de l’Esplanade et celui de l’ASB, l’EPFL annonce de belles années de transformation du campus. Alors prévoyez vos casques antibruit, profitez un moment du campus sans grues, ouvriers, pelleteuses, gilets jaunes. Prenez conscience de l’espace, de la vue sur le lac depuis le parking, du silence d’une après-midi… puis attendez patiemment.

Revenons en 2030 et posons-nous la question :
ne serait-ce pas un créneau idéal pour commencer une thèse dans un bâtiment tout neuf ?

Bibliographie

[1] Burckhardt+Partner. Advanced Science Building, Ecublens. https://burckhardt.swiss/fr/project/advanced-science-building-ecublens/
[2] Amstein+Walthert. Label DGNB: La durabilité enfin un actif financier. https://amstein-walthert.ch/fr/newsroom/label-dgnb-la-durabilite-enfin-un-actif-financier/
[3] Le Temps. Terrabloc change la terre en pierre. https://www.letemps.ch/economie/terrabloc-change-terre-pierre
[4] Kaan Architecten. Advanced Science Building (ASB), EPFL. https://kaanarchitecten.com/project/advanced-science-building-asb-epfl/
[5] EPFL. Brochure ASB. https://www.epfl.ch/about/philanthropy/wp-content/uploads/2024/10/Brochure-flyer-ASB-FR.pdf