Le cyclotourisme, une nouvelle tendance ?
Pas vraiment… Aussi étonnant que cela puisse paraitre, l’idée de voyage à vélo est loin d’être récente… Remontons le temps jusqu’en 1820. Nous sommes en pleine Révolution Industrielle et les premiers modèles de vélos apparaissent, d’abord sous le nom de draisienne, un simple cadre avec deux roues et sans pédales. Dans les années 1860, l’invention de la pédale révolutionne ce nouveau moyen de locomotion plutôt rustique. Mais la vraie star c’est le Grand Bi. Ce nouveau vélo fait son apparition dans les années 1870. Il dispose d’une roue avant gigantesque pouvant faire jusqu’à 1.5m de diamètre et d’une plus petite roue à l’arrière. Peu stable mais capable d’atteindre les 30 km/h, ce nouveau bolide trouve preneur auprès des jeunes hommes en quête d’adrénaline.
La première personne que nous croisons sillonner les routes du monde en équilibre sur son Grand Bi est Thomas Stevens. Ce jeune anglais immigré aux Etats-Unis devient le premier homme à réaliser un tour du monde à bicyclette. Parti de San Francisco en 1884, il atteint Yokohama (au Japon) trois ans plus tard, après plus de 22 000km. Son histoire fascine, le cyclotourisme est né.
Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, le français Paul De Vivie, surnommé Vélocio commence également à parcourir les routes de France, de Suisse et d’Italie, fondant des parcours cyclistes sur son passage. Il invente en 1888 le terme « cyclotourisme » pour définir cette nouvelle discipline. Au cours de ses voyages, il contribue à différentes innovations techniques sur les bicyclettes en y rajoutant pédalier, dérailleur et autres inventions.
Quelques années plus tard, un nouvel engin d’une forme qui nous est plus familière fait son apparition, la bicyclette de sécurité constituée de deux roues de taille égale. Agrippée au guidon de ce nouveau véhicule, Annie Londonderry devient en 1894 la première femme à réaliser un tour du monde à vélo. Au-delà de l’exploit sportif, il s’agit là d’un véritable acte féministe à une époque où les capacités physiques des femmes sont souvent remises en cause. Son histoire est racontée par son petit neveu dans le livre « Around the world on two wheels ».
Malheureusement, l’apparition de l’automobile met un coup de frein à ces épopées cyclistes, proposant une alternative au voyage plus rapide et moins fatigante. Il faudra alors attendre les années 1990 pour voir cette activité ressurgir dans un contexte de conscience écologique et une volonté de trouver des alternatives au tourisme de masse.
Les initiatives nationales
La fondation « La Suisse à Velo » est lancée en 1995 dans l’objectif de créer un véritable réseau d’itinéraires cyclables à travers toute la Suisse. Une vingtaine d’années après sa création, 9 itinéraires nationaux, 54 itinéraires régionaux et 44 itinéraires locaux permettent de sillonner le pays. Elle collabore notamment avec les CFF pour proposer une offre de transports publics pour les nouveaux adaptes du cyclotourisme. Funiculaires ou trains pour éviter trop de dénivelé ou des routes à fort trafic sont par exemple suggérés. Les différents itinéraires permettent de découvrir à coup de pédales lacs, montagnes et villages. Depuis Lausanne, il est par exemple possible de rejoindre facilement la Route n°9 qui traverse le pays d’ouest en est, en passant par pas moins de 10 lacs.
D’autres pays disposent également d’un schéma national de véloroutes. La France dispose par exemple d’un réseau de 20 000km qui traverse des endroits emblématiques comme le Mont Saint-Michel, le port de la Rochelle, la cité médiévale de Carcassonne, les châteaux de la Loire ou encore les vignobles d’Alsace. Grâce à ces nouveaux aménagements, le nombre de cyclotouristes a désormais dépassé celui des adeptes de la randonnée pédestre dans le pays. Reste maintenant à adapter l’offre dans les trains, encore souvent insuffisante.
A plus grande échelle
Au niveau européen, EuroVelo est inauguré en 1997. Il a pour but de développer un réseau de pistes cyclables à travers toute l’Europe et d’ainsi encourager le tourisme à vélo à plus grande échelle. L’initiative est lancée dans un but environnemental mais également économique. Le cyclotourisme bénéficie à l’économie régionale avec des pratiquantes et pratiquants qui ont tendance à favoriser les logements et produits locaux : artisanat, gastronomie, visites culturelles, etc. 17 itinéraires approuvés par la European Cyclists’ Federation permettent aujourd’hui de parcourir plus de 45000km à la découverte de 42 pays différents. Un tel développement du réseau cyclable a aussi permis à la population vivant dans ces régions de réaliser les trajets quotidiens à vélo de manière plus sure.
Souvenirs d'un voyage personnel
Fin d’exams, envie de prendre un peu l’air… avec un ami nous nous lançons sur la Route Nationale 3, aussi appelée la Route Nord-Sud qui relie Bâle à Chiasso. Nous nous fixons un intervalle de 5 jours pour faire cette traversée d’environ 400km et 5000m de d+. Dans nos sacoches, on bourre le strict minimum : une tenue de vélo de rechange, un t-shirt propre (perdu dès le premier jour) et un peu de matos de bricolage. Nous avions prévu de dormir dans des auberges donc pas de bivouac à transporter. Jour 1, nous partons de Lausanne en train très tôt le matin direction Bâle. A la sortie de la gare, premiers panneaux de direction, nous voilà sur la Route 3 ! Les journées s’enchainent mais ne se ressemblent pas : vallées désertes, routes surchargées, traversées en ferrys et cols (dont le mythique Gothard) avec des pourcentages parfois démesurés, chaque jour nous réserve ses surprises. Après 5 jours de route, deux tubes de crème solaire vidés, un porte-bidon arraché et un dérapage dans les graviers, nous arrivons à Chiasso à la frontière italienne. Pizza et bière pour fêter notre arrivée (comme tous les jours), cette ville marque la fin de notre périple. Des souvenirs pleins la tête nous rentrons à Lausanne en n’espérant que de pouvoir recommencer rapidement.
Quelques conseils si vous voulez tenter l’expérience :
- Planifiez votre itinéraire à l’avance en regardant la distance et le dénivelé entre chaque étape. Il y a parfois des plus d’une dizaine de kilomètres sans une auberge où dormir ou un magasin où se ravitailler en eau.
- Pensez à vérifier le type de voies et les surfaces empruntées : 10km peuvent s’avérer interminables lorsque tout d’un coup la route bitumée se transforme en chemin pavé… Des applications comme par exemple Komoot donnent ces informations.
- Certains trains nécessitent une réservation obligatoire pour les vélos, ils sont marqués par un petit logo d’un vélo et d’un R. Pensez également à prendre une carte journalière (15.-) pour les longs trajets et un billet demi-tarif pour les plus courts.
- Regardez régulièrement la météo et adaptez vos horaires en fonction.
- Mais surtout voyagez léger et avec un vélo adapté !