Les assos engagées #1: Zero Emission Group

Nous avons rencontré deux membres de Zero Emission Group. Julian Wirtz, président et Arthur Simon, vice-président interne. Ils nous ont parlé d’éco-anxiété, de méfiance envers le greenwashing, et d’espoir. Car chacune et chacun à sa manière peut agir pour rendre le monde plus durable.

Pouvez-vous présenter l’association Zero Emission Group (ZEG) en quelques mots?

Julian : ZEG c’est une association étudiante de l’EPFL créée en 2018 et depuis peu également de l’UNIL. L’association est composée d’environ 65 membres et est divisée en 2 pôles principaux : Raise awareness et Hands-on projects. Le but de la partie Raise awareness est de sensibiliser les gens au changement climatique. On mène des actions comme donner des cours sur la durabilité dans les gymnases, réaliser des ateliers ludiques sur le campus telle que la fresque du climat ou encore organiser des conférences. Le deuxième pôle, Hands-on projects, consiste à mettre en place des projets concrets pour faire avancer le campus d’un point de vue de la durabilité. On propose par exemple de réaliser des analyses de cycle de vie avec d’autres associations du campus et même des entreprises afin d’évaluer l’impact environnemental de leurs activités. On s’investit également dans la finance durable grâce au développement d’une charte en collaboration avec la trésorerie de l’EPFL. On recycle aussi une partie des déchets plastiques des laboratoires de SV en les transformant en médailles pour PolySports. Ce sont quelques exemples des nombreux projets que l’on mène.

Arthur : Je souhaiterais ajouter que l’on est également une association ouverte à d’autres projets. Si des personnes veulent s’investir et qu’elles ont une idée en tête qui rejoint l’état d’esprit de ZEG, elles ne doivent pas hésiter à venir nous voir.

Projet Plast it back: recyclage des déchets plastiques en médailles pour PolySports

Quelle importance cela a-t-il pour vous de soutenir dès maintenant des projets concrets et de ne pas attendre d’être dans le monde du travail pour le faire ?

Julian : J’ai eu un parcours un peu spécial. J’ai rejoint l’EPFL en section physique avec l’idée qu’une fois que je serai un bon scientifique, je pourrai apporter des solutions au problème du changement climatique grâce à mes compétences technologiques. Mais, petit à petit, j’ai commencé à me sentir anxieux par rapport à cette question. Recevoir chaque jour, chaque semaine, des nouvelles négatives sur le climat avait une vraie influence néfaste sur moi. J’ai senti naitre en moi un sentiment de désespoir par rapport à la direction dans laquelle se dirigeait le monde en matière de changement climatique. J’ai donc décidé d’arrêter les sciences de base et de rejoindre le master de management durable. Et surtout j’ai rejoint ZEG [rires]. C’est là que ça a vraiment changé : avoir une communauté qui se pose les mêmes questions que toi, qui partage tes craintes, tes passions. Me dire que je n’ai pas à attendre 5 ans pour contribuer à ce défi immense et urgent m’a beaucoup aidé à me sentir mieux. Pour reprendre l’idée d’un activiste allemand, « l’espoir c’est l’engagement ». On ne peut pas avoir d’espoir si on n’agit pas, si on ne travaille pas pour en avoir. On entend souvent parler de « environmental footprint » mais récemment j’ai entendu parler de « environmental handprint ». Cela représente ce que l’on fait comme actions pour essayer d’aider l’environnement. C’est une vision bien plus positive et motivante qui me plait énormément.

Arthur : Je rejoins Julian sur ce sentiment de mal-être par rapport au changement climatique. Quand je suis entré à l’EPFL, j’avais déjà une certaine conscience écologique et je me suis inscrit en génie mécanique avec l’idée de travailler sur des projets comme des voitures à hydrogène par exemple. J’étais plein de bonne volonté et au fur et à mesure que j’ai commencé à avoir les outils pour mieux comprendre le défi de la transition que l’on doit mener, j’ai pris une claque. Je me souviens avoir regardé un soir une conférence sur les enjeux de notre temps dispensée par Arthur Keller (ingénieur de formation devenu spécialiste des stratégies de résilience). Elle m’a profondément marqué. Je me suis vraiment rendu compte que l’on était loin de l’objectif. J’ai d’abord eu un sentiment d’impuissance et c’est à ce moment-là que je suis tombé sur le mail de recrutement de ZEG. J’ai décidé de rejoindre l’asso et dès la première réunion, je me suis senti accueilli et entouré de gens motivés, partageant les mêmes réflexions que moi. Ça m’a beaucoup apporté.

(ndlr: si tu veux écouter la conférence d’Arthur Keller, elle est disponible juste ici : https://www.youtube.com/watch?v=FoCN8vFPMz4)

Comment imaginez-vous votre rôle en tant que futur ingénieur dans la construction d’un monde plus durable ? Quels conseils avez-vous pour les étudiantes et étudiants qui sont vers la fin de leurs études ?

Julian : Personnellement, j’ai dit au revoir à cette trajectoire de l’ingénieur qui va révolutionner le changement climatique. Je souhaite plutôt essayer de faire changer les choses en travaillant dans l’économie. De plus en plus d’entreprises essaient de s’engager dans cette transition mais cela reste une minorité et on n’a pas toujours le choix de rejoindre l’un d’elles à la sortie des études. Je pense que c’est également important d’avoir des gens qui s’engagent dans des entreprises moins durables pour essayer de les faire changer de l’intérieur. Si je dois donner deux conseils, je dirais d’abord qu’il est essentiel de se renseigner pour avoir une vue d’ensemble. Ensuite, qu’il faut être conscient de notre rôle en tant qu’ingénieur tout en connaissant les limites de la technologie. Elle peut assister au changement mais la transition devra également être sociétale, économique et politique. En sciences, on cherche toujours les solutions simples : on a trop de CO2 ? Capturons le CO2. Malheureusement, la transition que l’on doit mettre en place est extrêmement complexe et ne sera pas menée uniquement grâce à des solutions simples. La technologie aura un rôle à jouer mais ne fera pas tout.

Arthur : J’ai trois conseils principaux. Tout d’abord, se méfier du greenwashing et s’en protéger. Cela rejoint le conseil de Julian : se renseigner. Je pense que c’est important de creuser ce qu’il y a derrière la neutralité CO2 d’une entreprise par exemple. Une récente étude a analysé l’efficacité des crédits carbones, je vous laisse découvrir les résultats par vous-même mais c’est plutôt effrayant (ndlr: l’étude est disponible juste ici https://www.science.org/doi/10.1126/science.ade3535). Mon deuxième conseil est d’être réaliste et honnête intellectuellement. L’idée derrière est qu’il est important de ne pas se donner de faux espoirs pour ensuite être déçu au bout de quelques mois ou quelques années. Il faut prendre soin de sa santé mentale personnelle. Et finalement, si l’on ne trouve pas de projet qui nous permet de mettre nos compétences au service de la transition, rien ne nous empêche de monter le nôtre ! On a la chance de faire de belles études avec des professeurs incroyables. Je pense que l’on a une responsabilité envers les gens qui n’ont pas eu cette chance et c’est pourquoi il est important de mettre à profit nos compétences pour rendre le monde plus durable. Cette transition devra se faire de manière pédagogique et en ne laissant personne de côté.

Vous pouvez retrouver plus d’informations sur le site internet de Zero Emission Group https://zeroemission.group/ et sur leurs réseaux sociaux.

Rendez-vous la semaine prochaine pour aller à la rencontre de deux membres d’Ingénieurs du Monde! On discutera enjeux environnementaux et sociétaux dans un contexte mondial.